Sur ce promontoire bien placé au coeur des vignes de grande champagne de cognac, construire une place forte pour surveiller l’ennemi et tenir un siège était tout autant une nécessité qu’une évidence stratégique. C’est ainsi que le château de Bouteville dans son architecture actuelle fait suite à plusieurs constructions dont la première remonte bien avant l’avant mille. Traversant les siècles avec plus ou moins de bonheur, il renaît à nouveau au 21è siècle grâce à une grande mobilisation collective tant de partenaires publics que privés menée par une poignée d’audacieux qui n’ont ménagé ni leur efforts, ni leur pugnacité, ni leur courage face aux différents aléas, afin de redonner à Bouteville tout le lustre qu’il mérite.




Une vie mouvementée
Au fil des siècles, il accueille ce qui compte dans le Royaume de France et d’Angleterre de fortes personnalités et et combattants influents, les comtes Taillefer d’Angoulême, Richard Coeur de Lion, le redoutable Prince Noir, Edouard de Woodstock qui a beaucoup sévi en Aquitaine lorsqu’elle était anglaise, puis vint ensuite Jean d’Orléans, père du roi François 1er, cognaçais de naissance.
Comme beaucoup de places fortes, servant tout à la fois de logis au seigneur propriétaire comme de garnison pour ses troupes, son apparence évolua au fil des siècles pour devenir un lieu d’habitation plus confortable, et plus propice aux réceptions. A la fin du 16è siècle le nouveau propriétaire du château, Bernard de Béon du Massés, gouverneur du Limousin, de l’Angoumois de l’Aunis et de la Saintonge, lui donne une configuration plus en lien avec son époque : une demeure avec de grandes fenêtres à meneaux entourant une cour carrée, des décorations couronnant toutes les façades.
Au début du 18è siècle, changement de décor avec le nouveau propriétaire des lieux Henri de Bruzac Hautefort, Ce dernier apporte de nouvelles modifications : disparition des ponts-levis, reconstruction partielle des ailes nord et sud, donnant à l’édifice l’apparence d’une belle demeure aristocratique, symbole de la puissance et du goût du châtelain.
Les étapes d’un sauvetage
Ce sera la dernière époque faste du château afin une période beaucoup plus sombre et mouvementée, jusqu’en 1984. Je vous passe l’époque de la Révolution au cours de laquelle le château, comme beaucoup d’autres a été vendu comme bien national alors qu’il était déjà depuis plusieurs années dans un état d’abandon, la vente de ses pierres et éléments d’architecture dont une magnifique cheminée qui fort heureusement a survécu et se retrouve aujourd’hui au château de Bourg Charente ( mon article sur cette cheminée voyageuse)…
En 1984, grâce à la pugnacité d’une poignée de courageux, le bâtiment est enfin classé monument historique et les premiers travaux de consolidation commencent supportés par la commune de Bouteville et celle de la plus grande voisine, Châteauneuf-sur-Charente. Mais il faudra du temps et des moyens financiers conséquents pour le sauver. En 2017, la communauté d’agglomération de Grand Cognac acquiert le bâtiment et engage une dynamique de recherche de financements tous azimuts en proposant un avenir pour le château.
La « dream team » de la renaissance
Les partenaires publics rejoignent le projet : l’Etat, le Ministère de la Culture, la Région Nouvelle Aquitaine, l’Union Européenne, le département de la Charente. La Fondation du Patrimoine accompagne cette oeuvre de reconstruction en permettant à Grand Cognac de lancer une campagne de souscription publique pour soutenir le financement des travaux de restauration du château. Lauréat de la mission Stéphane Bern en 2018, le château bénéficie également du soutien actif de partenaires privés et de personnes privées qui participent aux souscriptions ouvertes au grand public.


L’aile sud du château de Bouteville
Il y a encore 5 ans l’aile sud n’existait plus ! Quand le projet de reconstruction a été présenté, les discussions sur sa pertinence ont été nombreuses, il s’agissait en effet de fermer la cour carrée sur ce côté sud devenu béant, par une construction en verre ! Cela n’a pas été le remake de la bataille d’Hernani, mais presque. Et aujourd’hui cet élément d’architecture est « Le » geste architectural fort de cette renaissance. Par sa transparence totale sur les deux côtés, cette grande salle lumineuse laisse à voir les vignes et le village d’un côté, la très belle cour carrée de l’autre. Une réussite !



Un château ouvert au plus grand nombre
Pour les visites bien évidemment, et je vous la recommande. Le parcours muséographique à la scénographie soignée et interactive y est tout à la fois parfaitement intégré dans l’ancien et passionnant. Ne manquez pas également, mais comment pourrait-il en être possible, la superbe reconstitution à l’ancienne de la fameuse cheminée originale, réalisée par des compagnons tailleurs de pierre exceptionnels. Merci au groupe Campari France (propriétaire du château de Bourg Charente) d’en avoir été le mécène.
Pour la location de salles, voire même la privatisation du lieu ( le luxe!) pour des évènements professionnels ou privés.
Le château a été « inauguré » en juin 2024 et a accueilli le mois suivant la sublime représentation de Mozart, mon amour, premier spectacle 2024 du festival « Les 3 coups de Jarnac » dans la cour carrée, un pur bonheur.

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