Je vous emmène aujourd’hui dans une distillerie atypique qui abrite des petites chaudières. Impeccablement alignées dans cet univers de cuivre et de brique, elles ressemblent à des bijoux. Ces alambics témoignent de l’attachement de la lignée familiale à cette singularité qui influence qualitativement l’eau-de-vie qui en sort.
La distillerie Martinaud est en bons bois, territoire partagé entre le sable et les veines calcaires, un sol différent suivant l’endroit où l’on se trouve.
En arrivant dans cet univers de vignes et de bois du sud-Charente, l’oeil est immédiatement attiré par tous les chevaux paisiblement installés dans les prés entourant la distillerie.
Placides, ils vivent leur vie sans s’occuper de l’arrivée d’une visiteuse. Il n’en n’est pas de même pour les chiens, une meute volubile de près de 100 anglo-français.
Raphaël, le propriétaire des lieux, est un cavalier émérite. Il fait partie du Rallye de la forêt de Chaux. qui chasse le sanglier. 65 personnes composent l’équipage. Plusieurs chevaux appartenant à des membres du rallye sont d’ailleurs en pension chez Raphaël. Lui-même est venu à la vennerie par tradition familiale, et participe avec plusieurs membres de son rallye aux championnats de France du cheval de chasse à Fontainebleau chaque année.
Sept générations de savoir faire
Les origines de la passion de la famille pour la vigne remonte aux années 1851. En 1900, l’arrière-arrière -grand-père de Raphaël achète deux chaudières de 6,5hl pour distiller. Ces petites chaudières installées sur un autre site et démontées depuis constituent néanmoins le début de la distillerie Martinaud. Son arrière-grand-père installe sur le site actuel 6 chaudières de 12,5 hl puis 2 de 14,5 hl . En 1972, le grand père de Raphaël construit un second bâtiment connexe qui permet de loger 4 nouvelles chaudières de 25 hl. En 1990, François, le père de Raphaël installe en deux temps, 4 autres chaudières de même contenance. Au fil des ans, la distillerie a cultivé son originalité qui en fait aujourd’hui sa “marque de fabrique” et confère aux eaux-de-vie une qualité reconnue.
Aujourd’hui la distillerie distille pour son propre compte et pour 110 viticulteurs répartis sur tous les crus.
Les avantages des petites chaudières
Si vous suivez le blog depuis l’origine, vous savez tout maintenant sur le procédé de distillation. La chaudière ou “cucurbite”, le chapiteau, le col de cygne, le réchauffe vin, la gargouille de vidange, le refroidisseur, le porte alcoomètre… n’ont plus de secret pour vous.
Si vous avez besoin d’une petite révision , c’est par ici
Depuis toujours, le cuivre est lié à l’élaboration du cognac : la chaudière, le chapiteau, le col de cygne et le serpentin sont obligatoirement en cuivre. L’utilisation du cuivre en distillation trouverait ses origines en Egypte dans les tous premiers siècles de l’ère chrétienne. Les propriétés physiques du cuivre en font un acteur de choix dans la réussite de la distillation. Sans rentrer dans un détail trop technique ici, disons simplement qu’en fonction des températures de chauffe, le cuivre retient ou non les particules odorantes présentes dans le vin. C’est en quelque sorte le choix du distillateur et le travail du cuivre ! En outre, sa conductivité extraordinaire permet de diffuser la chaleur de manière uniforme, évitant des points de surchauffe et assurant une gestion précise de la température du vin pendant toute l’opération. C’est le ratio surface du cuivre/volume du liquide qui est déterminant. On comprend donc aisément que les propriétés physiques et le rôle de catalyseur de ce matériau s’expriment encore plus finement dans de petits contenants.
Ce travail de finesse dans l’élaboration de l’eau-de-vie, la famille Martinaud en a toujours été convaincue et continue à privilégier ses petites chaudières, même si le travail est plus long car les volumes distillés sont forcément moins conséquents pour chaque cycle qui dure environ 24 heures.
Vous vous souvenez, il s’agit de la distillation à repasse, c’est à dire en 2 chauffes successives : la première (8 à 9 h)pour obtenir le brouillis et la “bonne chauffe” (12 à 13h) pendant laquelle le brouillis est distillé, soit environ 24 heures pour obtenir la précieuse eau-de-vie.
Evidemment, plus les chaudières sont de grande contenance, plus les volumes distillés sont importants, et inversement.
De l’Amérique du Nord à Saint Palais de Négrignac
Après un diplôme d’ingénieur en agriculture de la célèbre école de Purpan à Toulouse et un cursus Erasmus à Vienne en Autriche, les premiers pas professionnels de Raphël le conduisent au Canada notamment pour la promotion de vins de Bordeaux, puis de produits agroalimentaires français. En 2000, il franchit la frontière et et travaille à Chicago pour une grande maison de négoce bordelaise. Retour à Bordeaux, mais avec un poste le faisant voyager sur tout le continent américain. C’est en 2007 que Raphaël revient doucement sur la propriété familiale, en y consacrant un mi-temps professionnel. En 2010, il franchit un nouveau pas, s’installe à plein temps, tout en restant consultant pour son ancienne maison. Et 6 ans plus tard, Raphaël rachète les parts familiales en totalité.
L’objectif de Raphaël aujourd’hui est de redévelopper le vignoble, tout en conservant bien évidemment ce trésor de distillerie.