Ce premier jour de l’été 2022 va rester dans la mémoire de beaucoup de viticulteurs qui ont vu leurs espoirs de belle vendange à venir réduits à néant par un épisode de pluie de grêle et d’orage rarement vécu. Le vent à soufflé à plus de 115 km/h pendant presque une heure. Une pluie diluvienne, associée à la grêle sur certains endroits, s’est acharnée sur les cultures hachant tout sur son passage.
Un ciel d’encre noire menaçant
C’est par cette vision un brin apocalyptique (désolée je n’ai pas fait de photos…) que cette colonne infernale de plus de 10 kms de large arrivant du Médoc a traversé l’estuaire de la Gironde pour poursuivre sa route dévastatrice sur le vignoble de Cognac. Nous sommes brutalement entrés dans la nuit avec 2 heures d’avance accompagné par un bruit assourdissant.
La situation avait pourtant été anticipé puisque les diffuseurs avaient été allumés dans le début d’après midi, (il faut à peu près 6 heures pour que leur efficacité soit totale).
Alors que la récolte s’annonçait belle au vu des grappes formées et de leur qualité, certains ne sortiront même pas la machine à vendanger. Une année blanche, après des années marquées par des épisodes de gel tardif, et de grêle, la vie de viticulteur n’est pas un long fleuve tranquille. “C’est le travail de toute une année qui s’anéantit sous nos yeux en quelques instants sans que l’on puisse faire quoi que ce soit”
Savoir faire face
Vivre avec la nature implique de faire preuve de beaucoup d’humilité. Difficile de lutter contre des aléas climatiques de cette intensité. L’impuissance, l’abattement, le découragement, les viticulteurs touchés vivent toutes ces étapes en accéléré. Certes, tous les professionnels qui travaillent la terre savent que rien n’est jamais acquis, certes des assurances existent, certes la fameuse réserve climatique permet d’atténuer les conséquences, notamment financières, de ces vignes ravagées, mais l’émotion suscitée met du temps à disparaître. Car la vigne est vivante : un grand nombre de viticulteurs la considère comme un être vivant, un membre à part entière de la famille. Elle est “enrhumée” quand un petit coup de gel est passé dans la nuit, elle “sourit” quand les feuilles se relèvent et que l’alerte est passée…
Il est coutume de dire que tant que la vendange n’est pas dans le pressoir, rien n’est gagné. Il reste encore plusieurs semaines avant ce moment d’intense activité qui signe le travail de toute une année.
Les jours d’après
Quand la vigne est grêlée, il faut attendre 4/5 jours sans rien faire, puis voir comment elle réagit. Comme une personne, elle est meurtrie, elle se bloque, puis apparaissent quelques tentatives de redémarrage, comme si elle se posait la question ” j’y vais ? j’y vais pas ?”…. me confiait Nicolas en 2017. Un viticulteur très impliqué dans l’interprofession et les sujets de protection collective contre les aléas de grêle. C’est avec lui que j’étais allée filmer le diffuseur en fonctionnement alors qu’un orage menaçait.
Et même s’il n’y aura pas de vendange, le travail dans les vignes doit se poursuivre. Il faut en priorité la soigner, panser ses blessures, car au-delà de la perte de la récolte de cette campagne, c’est également la sauvegarde de la prochaine qui est en jeu, si les bois sont touchés par les impacts de grêle, ce qui arrive malheureusement fréquemment.
Dans ce contexte d’aléas climatiques de plus en plus fréquents, il faut avoir les nerfs solides pour travailler dans l’agriculture. Tough guys !