Les clos clunisiens du maconnais sont indissociables de l’histoire et du patrimoine de la région. Ces murs qui entourent, ou entouraient les vignes, trouvent leur origine dans l’organisation mise en place par les moines de la célèbre abbaye de Cluny, qui ont développé la vigne et contribué très tôt à la reconnaissance des vins de Bourgogne.
Je suis allée dans le maconnais fin juillet dernier. 3 jours autour de Cluny : une découverte de ce vignoble dont j’apprécie grandement les vins et notamment les vins blancs, mais dans lequel je n’étais jamais venue. J’ai été séduite par le paysage, évidemment très différent du vignoble de cognac, mais également par les couleurs : celles de la pierre, de la terre, des paysages. J’y ai trouvé un point commun avec mon territoire, celui du patrimoine roman très riche : les petits villages du maconnais, et bien évidemment Cluny, même s’il reste malheureusement qu’une infime partie de ce qu’a été cette abbaye influente. Ce fut une puissance spirituelle et temporelle influente, instigatrice du vignoble du maconnais, jusque dans les traces qui restent aujourd’hui. Ce sont les murs de pierres entourant les vignes et les chemins. C’est la raison pour laquelle je vous emmène d’abord à Cluny avant de partir dans le vignoble.
Cluny, Maior Ecclesia
La vidéo, à voir absolument, de la reconstitution 3D de l’abbaye bénédictine fondée en 910, m’a permis d’imaginer ce que fut la plus grande église de la chrétienté pendant plusieurs siècles jusqu’ à la construction de Saint Pierre de Rome au XVI è siècle. Car hélas, les vicissitudes de l’histoire, le pillage et le démontage pierre par pierre par un entrepreneur de Macon au moment de la Révolution, ont considérablement réduit cet ensemble monumental. De nombreuses maquettes permettent également de se situer tout au long de la visite. En voici une pour vous permettre de mieux comprendre si vous n’êtes jamais allé à Cluny.
En noir, ce qui n’existe plus…. Et en gris (clair et foncé) ce que nous pouvons visiter.
En arrivant à plus de 100 mètres de l’édifice existant, nous nous sommes arrêtés à l’endroit même où se trouvait l’esplanade d’entrée de l’église ! (l’édifice en noir sur la photo précédente)
Sa longueur intérieure était de… 177m. Vous comprendrez qu’il faut donc beaucoup d’imagination pour s’imprégner des volumes.
Fort heureusement, ce qui reste, notamment une partie du grand transept, est impressionnant, comme vous pouvez le voir sur la photo.
Nous sommes dans la partie en gris sur la maquette, contiguë au grand clocher que l’on voit sur la photo précédente.
Et pourtant elle ne représente que 5 % de la totalité de l’église dite Cluny III, appelée Maior Ecclesia à son apogée. Nous avons ainsi consacré toute la matinée à cette visite qui ne laisse pas indifférent, comme si les lieux nous retenaient pour raconter leur histoire. Pour situer l’ensemble, l’église comptait 1200 colonnes, surmontés de motifs végétaux, ou de figures, tous différents. Les murs étaient également richement décorés.
Une puissance spirituelle et temporelle incontestable
“Là ou le vent vente, Cluny a rente”. La puissance de Cluny et l’influence de l’abbaye a été considérable tant dans le domaine religieux que politique, artistique et économique. “Vous êtes la lumière du monde” dira le pape Urbain II, issu de Cluny à l‘abbé Hugues à la tête de l’abbaye pendant 60 ans et artisan de sa considérable prospérité.
Les moines vignerons et leurs clos clunisiens
Les moines de Cluny ont régi également la vie économique autour de l’abbaye. Le vin de messe provenait des vignes plantées à cet effet tout autour de Cluny. Il arrivait par les fameux “chemins de Cluny” qui perdurent ça et là dans la campagne et qui conduisent tous à l’abbaye ! Puis les moines développèrent la vigne pour produire du vin et le vendre. Ce nectar devint l’ambassadeur de la Bourgogne à travers toute l’Europe. L’influence politique majeure des puissants Ducs de Bourgogne y a également grandement contribué.
Ce qu’il en reste aujourd’hui, souvent envahi par la végétation.
Les moines ont codifé avec rigueur et précision le travail de la vigne de la taille jusqu’à la vinification et la conservation. Ils ont également cartographié puis délimité les lopins de terre, identifié les différents terroirs suivant le sol et l’exposition. Enfin ils ont ceint les parcelles de murs de pierres afin de protéger les vignes de l’appétit des animaux ! Ils sont quelque part à l’origine donc des fameux clos et climats de Bourgogne. Les climats qui en Côte de Beaune et Côte de Nuit avec leurs villages plus au nord de Cluny ont rejoint en 2015 la prestigieuse liste des sites classés au Patrimoine mondial de l’UNESCO.
Fort heureusement certains murs existent encore. Une campagne de restauration est en cours pour ne pas perdre ce fabuleux héritage de savoir faire. La technique pour assembler les pierres est primordiale pour éviter des infiltrations d’eau, rendre le mur stable et solide, à l’épreuve du temps.
J’avais publié un article sur les caburotes du cognaçais, on parle de cadole (ou cadolle) ou cabote dans le maconnais. L’usage est identique, la construction très différente. Réalisée en pierre sèche gélive, elle servait d’abri et d’entreposage de petit matériel pour la vigne. La première que j’ai vue m’a fait penser à la maison de Bilbo le hobbit ! Elle va être restaurée, c’est un petit bijou de construction.
Certaines sont directement intégrées dans les murs comme ici, à restaurer également.
Cette escapade de 3 jours a été un enchantement : paysage de vignes et collines boisées au sommet, patrimoine roman, châteaux,villages authentiques, ce fut une très belle découverte. j’aurai l’occasion de revenir prochainement, ce sera avec grand plaisir.
Dans le prochain article de mes escapades, je vous parlerai plus en détail du vignoble du maconnais et vous emmènerai sur la roche de Vergisson, la soeur jumelle de Solutré. Nous y sommes montés par 32°C, inutile de vous dire que l’on a eu chaud, mais le spectacle vaut vraiment cette petite demi heure de marche.