Ce fut un rêve, un moment d’intensité et de grâce. La Cité Internationale de la bande dessinée d’Angoulême avait choisi de rendre hommage aux 50 ans du célèbre festival du même nom, avec cette performance artistique hors du commun : reproduire l’affiche de la première édition, dessinée par Hugo Pratt. L’oeuvre éphémère qui nécessitait 35000 bougies et 250 personnes a été conçue par l’artiste Muma Soler , dont les performances lumineuses ont investi de nombreux lieux prestigieux.
Une oeuvre éphémère en bougies
25 janvier 16 h 30, il faisait 3 petits degrés celsius seulement sur le parvis des chais Magelis devant la Cité Internationale de la Bande Dessinée d’Angoulême. Nous étions près de 250 chaudement équipés à avoir relevé le défi. Sur 20 m x 60 m, l’artiste avait réalisé au sol une esquisse du dessin représentant Corto Maltèse face à un paysage de mangrove.
Nous étions quelques uns à avoir procédé à une “répétition” quelques jours avant : allumage des bougies, transport et placement, en évitant de se brûler (!) et de marcher sur les aplats noirs… Et ce en un minimum de temps ce qui représentait tout de même 1h30 ! Le jour J nous avions travaillé par équipes de 15 personnes environ. Chaque équipe avait une partie du dessin à réaliser. Pour ma part, c’était celle constituée par le bras gauche de Corto, sur une toute bande de 10 mètres de large et 20 m de profondeur soit environ 3 500 bougies !
We did it !
Et nous l’avons fait ! A genoux et accroupie pour ma part pour placer les bougies, je dois vous avouer que lorsque je me suis relevée et que j’ai pu voir l’ensemble de la mise en lumière, alors que la nuit était tombée, je suis restée sans voix… Ce rêve collectif était devenu une réalisation concrète, une oeuvre éphémère porteuse de lien social. Ces bougies dans la nuit représentaient toute cette symbolique anthropologique du feu comme premier lien, premier lieu de rassemblement des hommes, auquel Muma est très attaché.
Une oeuvre d’art participative et sociale
Dans ces 250 personnes qui ne se connaissaient pas toutes entre elles venues d’horizons divers, se trouvaient une petite dizaine d’apprenti(e) s du Centre de Formation de la CCI de la Charente, à qui j’avais proposé cette expérience. Ils s’étaient portés volontaires après la présentation qui leur avait été faite. Mais comme tous, ils n’avaient pas vraiment d’idée de ce qu’ils allaient vivre… Ces jeunes sont repartis avec une petite lumière au fond des yeux , un moment inédit dans leur quotidien. “Je n’aurais jamais pensé créer une oeuvre d’art dans ma vie “ m’a dit M avec un immense sourire. Au-delà de l’esthétisme de la réalisation, de la chaleur humaine qui s’est spontanément dégagée de cette expérience ( au-delà de celles des bougies…), je garde bien précieusement en mémoire ces sourires et ces mots spontanés de ma petite troupe.
La flamme d’une bougie est petite et fragile, comme la vie elle-même. Nous vivons dans un monde incertain où l’incertitude est mal vécue. Nous allons donc symboliser une démarche paradoxale. Nous utilisons un feu petit et fragile, celui de la bougie, qui ne devient grand et impressionnant que par l’addition de petits feux , par l’addition de volontés. Cette addition est notre force, le fait que nous soyons tous là ce soir que nous partagions le même rêve nous donne une énergie incroyable.
Muma soler
Cette réalisation a pu être concrétisée grâce à la Fondation Cité Fondation du 9 art qui a accompagnée financièrement la Cité Internationale de la Bande Dessinée dans cette superbe concrétisation.
