Quand il ne conçoit pas des espaces paysagers avec sa femme au sein de leur agence, L’atelier du sablier, Emmanuel de Cockborne transforme du métal usagé en oeuvre d’art d’une précision infinie. Chacune de ses oeuvres tissent un lien intime avec la nature dont elles s’inspirent.
Une vocation artistique en héritage
Son arrière-grand-mère Marie Anne Camax-Zoegger fut une artiste-peintre très appréciée et reconnue à une époque qui ne laissait pas vraiment de place aux femmes dans l’art en cette première moitié du XXè siècle. Portraitiste de l’enfance et peintre paysagiste néo-impressionniste, elle s’est également investie pour faire reconnaître la valeur des artistes féminines à l’égal de celles des hommes en créant la Société des Femmes Artistes Modernes. A ce titre, elle organisait des salons annuels dans lesquels on pouvait retrouver des oeuvres de Marie Laurencin, Camille Claudel, Tamara de Lempicka, Suzanne Valadon…
La dame à la barquePortrait d’une jeune filleLe petit peintre
Le père de Marie Anne Camax-Zoegger, Antoine Zoegger, un temps collaborateur de Viollet-Le-Duc, fut un statuaire, décorateur, dessinateur de mobilier prisé d’une clientèle fortunée. Ses dessins sont d’une précision infinie. Une grande partie du fonds Zoegger est aujourd’hui conservé au Musée d’Orsay, donné par la famille.
Geneviève Barrez, la grand-mère maternelle d’Emmanuel, a étudiée à l’école du Louvre et s’est consacrée à la peinture sans toutefois atteindre la notoriété de sa mère Marie Anne. Suzanne Valadon en a fait son portrait dans les années 40.
Portrait de Geneviève Camax Barrez par Suzanne Valadon
Si dans les générations suivantes, aucune n’a choisi la voie d’artiste, un certain nombre d’entre eux possèdent plus ou moins quelques gènes qu’ils (elles) mettent à profit dans des activités de loisir. Ludovic, le frère d’Emmanuel est par exemple photographe nautique. Mais c’est Emmanuel qui sans en avoir fait un choix radical au moment de l’adolescence, porte aujourd’hui la flamme artistique de cette famille après un parcours naturellement cohérent.
Des études artistiques et le choix d’un métier
Passionné de dessin, le jeune Emmanuel entreprend des études à l’école Olivier de Serres, (École Nationale Supérieure des Arts Appliqués et des Métiers d’Art) et après avoir obtenu son diplôme de plasticien, passe le concours d’architecte paysagiste et intègre l’école de Bordeaux. L’héritage inconscient familial susurrait en effet de « trouver un vrai métier ». A Bordeaux Emmanuel rencontre sa femme Anaïs Escavi, passionnée par les jardins, pendant leur études dans cette école. Ils créent ensemble leur propre agence L’atelier du Sablier et s’installent en Charente en 2010 après avoir exercé plusieurs années à Bordeaux.
Deux sensibilités complémentaires
Le dessin, la 3D les plans techniques sont le domaine d’Emmanuel, la création, le chiffrage et le suivi de chantier sont le domaine privilégié d’Anaïs. L’agence propose ainsi une double compétence de paysagiste et d’illustrateur pour des espaces publics et privés quelque que soit la dimension et l’espace, qu’il soit urbain, rural, ou naturel. Le minéral est toujours associé au végétal. On leur doit récemment le passage Gâtebourse de Martell à Cognac ainsi que la place éponyme, subtile alchimie entre le végétal et le minéral.
La révélation de la sculpture métal
C’est en arrivant en Charente et en achetant un ancien atelier industriel désaffecté, rempli de métal qu’Emmanuel à l’idée de se servir de ces rebuts pour créer des pergolas pour le jardin. Totalement autodidacte en matière de sculpture métal, il s’aperçoit très vite que cette matière libère en lui ce besoin de créer de ses mains, de redonner vie à à ce qui était destiné à être jeté. Sa vocation de sculpteur métal est née de cette rencontre fortuite avec un lieu et une matière.
L’idée qui s’est imposée à moi était de travailler avec tout ce qui est destiné à être détruit et l’avantage de l’acier c’est qu’il peut être fondu. Ce travail sur des éléments qui ont déjà eu une vie, une âme est passionnant. Je sais d’où vient chaque élément de la sculpture que je créé, pourquoi j’ai utilisé celui-ci plutôt qu’un autre, et j’essaie au fur et à mesure d’utiliser des chutes de chutes…
Emmanuel de Cockborne
Emmanuel est intarissable sur son procédé de création. Lorsqu’on se retrouve au milieu de son atelier encombré de pièces toutes plus insolites les unes que les autres, on mesure toute la dimension de l’acte créatif qui transforme des rebuts en œuvres d’art : pièces d’anciens engins agricoles, cerclage de tonneaux, ressorts de sommier, vieille tôle de congélateur exhumée de la terre, ancien tube de poêle à bois, nasse à poisson, pelle de maçon, hachoir à viande, capot de 4L… Il se souvient de toutes les formes qu’on lui apporte. Puis, soit l’idée surgit par rapport à la forme, soit c’est la forme qui commande de rechercher des éléments dans cette caverne de métal. S’il concède que son stock « n’est pas très glamour au départ » il est très sensible à l’avantage de l’acier qui même s’il est rouillé n’est pas mort. En le décapant l’acier reprend vie et se transforme sous les mains de l’artiste.
Un regard sensible sur la nature
Ses premières œuvres dévoilent des insectes et des oiseaux, souvent exagérément agrandis, mais tous d’une précision extrême, révélant son amour et son admiration devant l’ingéniosité de la nature. Elles nous incitent à regarder autour de nous avec plus d’acuité et d’accorder plus d’importance aux détails de la vie minérale végétale et animale qui nous entoure. La collection de fleurs elles aussi comme photographiées en macro, ainsi que de végétaux ne peuvent laisser indifférent. Nul doute que les heures passées enfant avec sa grand-mère Geneviève qui lui faisait faire beaucoup de dessin et notamment de reproduction de planches botaniques très élaborées, lui a donné ce goût pour la beauté de la nature et son envie profonde de la retranscrire au détail le plus infime.
« Mon intérêt s’est porté sur la représentation de la nature et sur ce ce que l’on ne regarde plus. C’est un travail sur le mouvement, l’architecture d’un végétal n’a aucune vocation scientifique mais ce qui nous entoure est d’une extrême richesse, si l’on prenait le temps de regarder, on apprendrait énormément de choses. Quand on prend le temps de regarder quelques minutes un bourdon entrer dans une fleur, on mesure la subtilité et la complexité de cette fleur. Cette observation m’a donné l’idée de multiplier cette précision à une plus grande échelle et de montrer que l’on possède une véritable richesse que l’on détruit »
Emmanuel de Cockborne
.Je vous propose donc de découvrir comment la sublime fleur actuellement en exposition à l’Abbaye de Fontdouce est née et d’en découvrir quelques secrets.
La fleur monumentale
Si la forme appelle l’œuvre, son processus créatif est une histoire à part entière. La réalisation de la fleur monumentale a demandé plusieurs mois. Emmanuel avait récupéré 24 griffes d’une ancienne machine agricole pour les fenaisons. Il a commencé par les aligner au sol, l’idée première était un travail sur la courbe. Puis l’idée de la fleur est venue doucement. En commençant ce travail, l’artiste ne savait pas comment la fleur allait évoluer. Petit détail technique et pratique, il fallait que cette œuvre soit démontable pour être transportée car elle pèse plus de 200 kilos ! Il a donc passer beaucoup de temps à réfléchir comment il allait la monter, la faire tenir, puis la démonter. Au centre de la fleur, les étamines sont issues de chutes de découpe laser de lames de tondeuse. Si pour les commandes publiques l’artiste propose des esquisses au client, ses créations personnelles naissent en direct dans l’atelier, sans dessin, seulement à l’instinct en fonction de son stock de matières et de son inspiration. C’est un dialogue entre la matière et l’artiste.
« Je parle souvent à voix haute avec mon oeuvre – « J’espère que vous êtes assez nombreux les cerclages pour faire l’ensemble de la fleur – C’est un dialogue amusant, les pièces ont un taille spécifique pour qu’elles s’assemblent, le hasard est parfois assez drôle, l’équilibre se crée ainsi »
L’idée de mouvement est associé à chaque acte créatif, ainsi que celle de transformation et de transmission en redonnant vie à des objets abandonnés. Emmanuel de Cockborne a toujours été éduqué dans la notion de partage et le souci de ne pas gaspiller. Tout en poursuivant son travail d’architecte paysagiste, sa vocation de sculpteur prend aujourd’hui une part importante de sa vie.
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