L’agroforesterie est aujourd’hui au coeur des expérimentations et discussions en matière de développement durable. Étymologiquement parlant, l’agroforesterie consiste à associer à l’agriculture traditionnelle, la plantation d’arbres, de cultures et/ou l’intégration d’animaux sur une même parcelle. Mais de là à considérer que l’on fait de l’agroforesterie en plantant une haie en bord de parcelle, serait réducteur.
Cette démarche vertueuse trouve sa pleine légitimité dans une vision plus “‘holistique” des cultures et de leur environnement.
L’agroforesterie en viticulture
La démarche qui s’inscrit dans une attention constante de respect des sols et du vivant n’est pas encore très courante en viticulture. Elle doit s’adapter aux contraintes liées au gabarit des équipements d’entretien de la vigne et du mode de récolte. Difficile en effet de planter des arbres dans les inter-rangs quand la vendange est mécanique. Ceci étant, l’arrachage des bosquets et arbres pratiqué par le passé pour faciliter le travail dans les vignes, notamment au moment de la mécanisation, n’existe plus dans le vignoble cognaçais depuis plusieurs années déjà.
Les avantages de l’agroforesterie
Ils sont nombreux mais dépendent également du lieu, de son climat, de sa topographie, de l’antériorité ou non de pratiques déjà respectueuses des sols… L’amélioration de la biodiversité du sol, la modification du climat de la parcelle et des relations entre température-humidité-vent par exemple, la valorisation de la biomasse* produite par les arbres sous forme d’énergie et son stockage naturel, enfin l’impact sur le paysage font partie de ces avantages.
Ce sont principalement des haies arbustives plantées en bordure de parcelle ou s’intercalant entre îlots de vigne, des lignes d’arbres ou arbres isolés. La diversité des espèces végétales plantées permet de créer des ressources et des habitats pour la biodiversité et la petite faune auxiliaire. Voici deux exemples concrets d’agroforesterie que je connais bien. Il en existe de plus en plus, et c’est tant mieux.
Les haies mellifères et les fruitiers des vignobles Robaraud
Carole et Frédéric ont adopté dès le départ une démarche respectueuse des sols, de la vigne, et de son environnement. Les vignobles Robaraud sont certifiés Haute Valeur Environnementale niveau 3 depuis 2019 puis HVE3 Cognac en 2021, preuve s’il en était besoin des actions menées au quotidien. En liaison avec l’association APIVITI plusieurs de leurs parcelles sont plantées en jachère mellifaire.
Et depuis décembre 2020, ils ont démarré la plantation de haies mellifères en bordure de parcelle. C’est l’association Prom’Haies qui aide les propriétaires à choisir les essences les mieux adaptées, approvisionne les plants et apporte ses conseils techniques. Les cornouillers, charmes communs, chênes, pruniers, aubépiniers, vont petit à petit former une haie naturelle d’espèces communes à la région.
Le Conseil Départemental de la Charente accompagne également les propriétaires investis dans cette démarche de reforestation.
Et ce même mois de décembre 2020, anniversaire de leur fille aînée, Carole et Frédric ont planté en famille des arbres fruitiers près d’une de leurs vignes. Un beau moment d’intimité à quatre pour transmettre aux enfants cet état d’esprit d’attention à la nature qui est leur quotidien.
Le programme d’agroforesterie de la Maison Hennessy
J’ai assisté juste avant Noël à l’achèvement de la campagne de plantation sur son site de La Bataille à Saint Preuil. 7 kilomètres d’arbres et de haies de différentes essences autour de 40 hectares de ses vignobles.
Ce programme d’envergure a valeur de test. Les premiers résultats obtenus d’ici 3 à 5 ans permettront de mesurer très précisément les bénéfices de cette pratique pour la vigne. Enfin ce programme succède à un inventaire de la biodiversité qui sera suivi pendant 10 ans. Ce programme a été conçu en collaboration avec l’association Prom’haies et la LPO (Ligue de Protection des Oiseaux)
En parallèle, un projet de recherche sur la mycorhization est en cours avec le concours de l’INRAE de Dijon.
Le choix du lieu n’est pas neutre. Ce sont en effet les vignes les plus exposées au gel, et aux aléas climatiques. Ainsi les plantations sont faites nord/sud pour ne pas faire trop d’ombre, mais également pour protéger des vents les plus froids. Le choix des arbres reflète également la cohérence avec des essences locales : érables champêtres, cornouillers, charmes, mais également amandiers, témoin de l’adaptation au réchauffement climatique.
Une démarche ancienne
Cette nouvelle expérimentation s’inscrit dans une démarche de développement durable qui ne date pas d’hier. La Maison Hennessy a été la première maison de vins et spiritueux au monde à obtenir la certification ISO 14001(système de management environnemental) en 1998. En 2015, elle s’investit dans une démarche de mécénat conséquent pour financier un projet de recherche de nouveaux moyens de compréhension et de lutte contre les maladies du bois de la vigne, avec l’INRA/Bordeaux Sciences Agro. Et en 2016, c’est l’une des premières à être certifiée Haute Valeur Environnementale.
Les truffières font aussi le job
Très présentes après l’épisode ravageur du phylloxéra, les truffières ont en effet constitué un complément de revenu dans des exploitations qui étaient alors pluri activités : vignes, petit élevage, céréales… Puis progressivement, les truffières ont diminué et les vignes ont regagné le terrain perdu.
Depuis plus de 20 ans, la Chambre d’Agriculture et le Syndicat des Trufficulteurs de la Charente s’activent pour relance les truffières dans le département. C’est également le cas en Charente Maritime. Il y aurait environ 300 truffières à ce jour en Charente. Le marché aux truffes de Jarnac est devenu le lieu incontournable de vente/achat de truffes. Mais on peut également en trouver sur des petits marchés à la saison. J’aime particulièrement celui de Villebois Lavalette, les matins d’hiver alors que le jour se lève à peine. Et oui il faut se lever tôt !
Retrouvez l’ambiance du marché de Villebois, et celle des démonstrations de cavage ici.Les truffières ne sont pas plantés qu’en “chênes truffiers”. On y retrouve beaucoup d’essences locales qui favorisent l’émergence de cet or noir. Et bien entendu les truffières participent également à renforcer naturellement la biodiversité.
*L’institut National de Recherche en Agriculture, alimentation et Environ-
nement aka INRAE) a démontré qu’une parcelle agroforestière
de 100 ha pouvait produire autant de biomasse qu’une parcelle de 136 ha où arbres et cultures auraient été séparés.