Les jours d’avant vendanges

Elise du domaine Guillon Painturaud effectuant un contrôle de maturité

Leur cri du cœur commun : « Chaque jour de l’année, on travaille pour ce moment-là. Rien ni personne ne pourrait nous faire rater ce moment, les vendanges, c’est une période exceptionnelle »

Ce moment tant attendu résume à lui seul tout le travail d’une année… Alors, en septembre, la pression monte doucement, même pour celles et ceux qui totalisent de nombreuses campagnes. Même si tout est prêt, l’expérience montre que rien ne se passe jamais comme l’année précédente, qu’il faut savoir s’adapter en permanence aux différents aléas qui peuvent survenir.

Le check up de tout le matériel

L’ensemble du matériel va être soumis à rude épreuve pendant plusieurs semaines consécutives, suivant la taille du domaine. Même si tout avait été soigneusement nettoyé et rangé après la dernière vendange, cette étape de vérification est capitale pour aborder cette période hors du temps avec le maximum de sérénité possible. Le nettoyage et la désinfection des pressoirs, cuves, pompes, tuyaux… revêt une importance capitale car une belle et bonne eau-de-vie ne peut exister sans cette hygiène irréprochable au chai. Et bien entendu ultime vérification de la machine à vendanger qui sort de son hibernation et doit être opérationnelle en continu, ainsi que des tracteurs, des bennes…

matériel de chai
cuves de vins
machine à vendanger

Les analyses et le contrôle de maturité

Les grappes sont-elles arrivées à maturité ? Dans quelles parcelles ? L’équilibre entre taux d’alcool et acidité est il-optimum ? peut-on encore bénéficier d’un peu de soleil ? d’une petite pluie bienvenue ? Bref quand va-t-on commencer ? Ce sont les questions que tous les viticulteurs se posent au fur et à mesure que la date approche. Le contrôle de maturité permet de donner des éléments factuels. Il s’effectue plusieurs fois. Etant mesurables et quantifiés, on pourrait dire qu’il suffit de prendre en compte ces résultats pour décider de la date de vendange, mais la réalité est tout autre. Attendre un peu plus pour avoir un meilleur taux d’alcool, alors que le temps s’annonce pluvieux pour les derniers jours et que les grappes peuvent éclater représente un risque, tout est un subtil équilibre car les années pour lesquelles l’ensemble des paramètres -taux d’alcool, acidité, températures idéales…- sont réunis ne sont pas légion. Il faut donc optimiser, mesurer le risque et décider ! C’est ici que l’expérience prend tout son sens.

Je vous invite cette année à suivre Elise, propriétaire avec sa soeur Mathilde du domaine Guillon-Painturaud. Les « two sisters distillers »exploitent 19 hectares en grande champagne de cognac.

Vigneronnes indépendantes, filles et petites-filles de vignerons ( les cognacs Thorin) elles représentent la nouvelle génération de producteurs de pineau et cognac, chacune dans sa spécialité de prédilection : Elise pour la vigne et la distillation, Mathilde pour le marketing, la commercialisation et l’oenotourisme.

« Je procède toujours de manière identique, je prélève cinq baies sur une même grappe puis sur plusieurs rangs et plusieurs faces du rang car l’exposition joue également un rôle. Au final pour un seul contrôle, je récupère environ 200 baies pour avoir une représentativité optimale de la parcelle. Je regarde ensuite principalement le potentiel d’alcool et l’acidité. Certaines parcelles sont plus précoces que d’autres, en fonction de l’exposition, du terroir, celles situées sur le coteau sont par exemple toujours plus précoces. J’examine également l’état sanitaire de la parcelle. Par exemple le cépage de la folle blanche* a tendance à se dégrader plus rapidement. On vendange d’ailleurs cette parcelle en premier très souvent. Parfois, on ne peut pas avoir tous les paramètres en même temps, et il faut faire le meilleur choix possible. L’année dernière par exemple, année très pluvieuse, c’était compliqué de faire les choix, cette année nous n’avons pas ce problème. »

Une aventure humaine avant tout

J’ai demandé à Elise si elle se préparait également physiquement à cette période de haute intensité.

« Pas spécialement, cela fait partie de la vie de vigneronne à l’année. Je dirais plus qu’il s’agit d’une sorte de préparation mentale de l’ordre de « allez il faut que je sois prête ». Les vendanges correspondent à une succession de longues journées, il faut donc tenir sur la durée. La période de vendanges dure environ 3 semaines. J’alterne des rotations avec mon père le matin mais globalement la journée commence avec l’arrivée de la première benne à 6 h 30. Je suis au chai, je réceptionne la vendange m’occupe du pressoir, effectue les opérations de débourbage, jusqu’à la dernière arrivée de la machine à 20 h ce qui pour moi correspond à une fin de journée de travail aux alentours de 23 heures, le but étant de ramasser dans un laps de temps le plus restreint possible. C’est la raison pour laquelle on essaie de faire des journées les plus conséquentes possibles »

Comment reste-t-on avec le même degré de concentration du premier au dernier jour ?

 » Il faut être hyper méticuleux parce que tout peut avoir des conséquences, surtout quand la fatigue commence à se faire sentir, il faut être d’autant plus vigilant, attentionné sur tout ce que l’on fait qui par essence est répétitif. Par exemple, je suis attentive au moindre bruit anormal au chai pour réagir vite. Des bruits anodins me révèlent si quelque chose cloche »

Même si les conditions matérielles ont évolué depuis des années, les vendanges restent dans l’imaginaire collectif une période hors du temps, des souvenirs de job étudiant durs pour le dos et festifs pour l’ambiance, des vendanges en famille, lorsque les vendanges étaient manuelles dans le cognaçais, et pour les viticulteurs le point d’orgue d’une année intense de travail et de soins de leurs vignes. Pour Elise  » c’est le travail d’une année qui porte ses fruits, alors oui, on a toujours envie de commencer. C’est une période hyper-excitante, qui correspond également pour moi à de beaux souvenirs d’enfance, un aspect un peu nostalgique. Nous travaillons toujours avec les mêmes saisonniers qui reviennent chaque année, nous formons ainsi une petite famille unie pendant ces journées de grande intensité, et tout se termine dans la joie et la partage avec la Gerbaude**. Mais nous n’en sommes pas encore là ! ».

Et pour mieux saisir l’esprit de ce moment si particulier dans la vie des vignerons, même si l’évolution des pratiques est conséquente depuis 70 ans, je vous laisse avec cette adorable photo du patrimoine Guillon Painturaud qui explique mieux que des mots l’esprit des vendanges.

*Cépage folle blanche : Durant des siècles, ce cépage servait à l’élaboration des eaux-de-vie moelleuses de Cognac. Longtemps majoritaire, il a malheureusement été victime de la crise du phylloxéra et largement remplacé par le cépage ugni-blanc (98 %). Il représente aujourd’hui moins de 1 % du vignoble. Le raisin à chair et peau blanches produits des vins à faible teneur en alcool et après distillation des eaux-de-vie au profil aromatique délicat. Il est cependant très sensible aux maladies dont celle de la pourriture grise et nécessite de ce fait une attention constante tout au long de l’année.

**La gerbaude / La gerbaude est la traditionnelle fête de la fin des vendanges ou toute l’équipe de vendanges se réunit autour d’un bon repas. La gerbaude était à l’origine une grosse gerbe ornée de fleurs placée sur la dernière charretée de la moisson ou de la vendange.

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