Initiée en 2016, cette aventure collégiale pouvait ressembler à une utopie. Faire classer les savoir-faire du cognac à l’UNESCO. Après s’être immergés dans les différents classements possibles, les initiateurs de la démarche ont porté leur choix sur l’inscription au patrimoine immatériel de l’UNESCO. C’est une catégorie qui correspond parfaitement à ce que le cognac exprime dans sa pluralité de savoir-faire, un idéal partagé par une communauté vivante et passionnée. Ce long parcours a été reconnu en 2020 par un premier classement au titre de patrimoine national. En effet, cette reconnaissance préalable est indispensable pour poursuivre la candidature. Le dossier final est maintenant achevé et remis au Ministère de la Culture. Ce dernier va examiner les différents dossiers en lice. La décision finale appartient au Président de la République sur conseil du Ministre de la culture. Nous saurons au plus tard à la fin du premier trimestre si les savoir-faire du cognac représenteront la France en 2004 pour concourir à ce prestigieux classement. Crossing fingers !
La pluralité des savoir-faire
Du plant de vigne jusqu’au flacon, c’est une succession de savoir-faire différents qui s’expriment dont certains reposaient, il n’y a pas si longtemps encore, sur une transmission orale de génération en génération. Le travail de répertoire puis de recueil de paroles, de pratiques, lors de multiples groupes de travail a mis en valeur toute la richesse de cet écosystème. Plus de 1000 personnes ont participé pendant plusieurs mois et apporté une contribution déterminante à la connaissance la plus fine possible de cet univers unique qu’est le cognac. Cette communauté large, représentative de tout un terroir engagé, est par ailleurs assez inédite face à d’autres dossiers présentés.
La complémentarité des savoir-faire, du plant de vigne aux modes de consommation, est guidée par la pratique de la dégustation et soudée autour d’un objectif commun : produire et partager avec le consommateur l’eau-de-vie de vin de la plus haute qualité possible. L’exécution de chaque savoir-faire est dépendante de celle de l’autre...
Association des savoir faire du cognac
Le dossier et les témoignages
En complément du dossier de candidature, très normatif selon les critères de l’UNESCO y compris dans le choix du vocabulaire, plus de 700 témoignages dits “mémoriels” appuient la démarche engagée. Publié sous forme de ‘lettre de consentement” chaque témoignage illustre la diversité des savoir-faire, des parcours humains, de l’attachement authentique à cette belle histoire du cognac. Elle traverse les siècles, rebondit après des périodes plus difficiles et sait évoluer tout en étant respectueuse des valeurs héritées des générations précédentes. Le cognac porte par son histoire, sa fabrication, son absolu respect du temps long, sa quête perpétuelle de haute qualité, toute une représentation légitime de l’excellence française dans les produits raffinés créés par des femmes et hommes passionnés.
“Je travaille par passion, dans cette démarche respectueuse de la nature qui m’a toujours animé ainsi que ma femme…On fait ce métier de viticulteur par passion car il est rude parfois, mais c’est ce que j’ai toujours voulu faire… F. et C. viticulteur
“Quand on est un jeune maître de chai, il faut savoir prendre sa place car chaque décision est engageante. Le temps pour le maître de chai est un allié. A ma place aujourd’hui, fort de mon expérience, je veille à poursuivre ce savoir-faire unique, en quête de qualité ultime” D. Maître assembleur
“Plus de 20 manipulations sont nécessaires pour confectionner un plant de vigne, de la récole du matériel végétal, porte-greffe et greffon à la plantation chez le viticulteur sur une période de 18 mois” F. Pépiniériste
“Les maîtres-assembleurs recréent des moments qui les ont inspiré pour les restituer dans le cognac qu’il créent. Ces moments passés avec eux lors de dégustation me permettent d’apprécier encore plus le cognac car au-delà du produit et de la carafe, il y a l’histoire de plusieurs générations, le respect du temps, la transmission des valeurs” A. Collectionneur
“Avec le cognac, nous sommes naturellement sur un temps long. Lorsqu’on plante une vigne, il faut déjà attendre 5 ans pour la première vendange, 10 ans de vieillissement au moins pour un cognac XO. Alors que notre société actuelle est dans l’immédiateté, nous parlons forcément un autre langage, celui de la patience, du respect du temps… “E. viticulteur bouilleur de cru
“Mes premiers pas de distillation, je les ai fait là devant cette vieille chaudière qui a plus de 100 ans et que nous avons gardé en mémoire de mon grand-père. Il me faisait réciter mes tables de multiplication tout en surveillant la distillation. A.Viticulteur bouilleur de cru
Verbatims d’interviews réalisés pour les lettres de consentement
Une richesse humaine incomparable
Je peux en témoigner d’autant mieux que j’ai collaboré avec l’association en juillet/août dernier, à ce fameux recueil de témoignages. J’ai rencontré plus de 45 personnes pour les interviewer. Les verbatims que vous venez de lire sont extraits de cette précieuse collecte. Chaque rencontre a été un moment de pur bonheur. Souvent avec beaucoup de pudeur, trop de modestie, chacune et chacun m’ont livré leur attachement au cognac : savoir-faire, lieu et histoire, trajectoire personnelle/familiale… Ils se sont livrés comme ils ne l’avaient peut être jamais fait, étonnés parfois de s’entendre dire des paroles qu’ils n’avaient jamais formulées avant. Merci encore à toutes et tous, nous avons vécu de précieux moments ensemble.
Et maintenant ?
“Tout reste à faire” comme me disait souvent un ami très cher. Si la décision ne nous appartient pas, la poursuite de cet élan, de cette mobilisation demeure plus que jamais d’actualité.
Vous aimez cette histoire multi-séculaire, cette communauté de valeurs et de savoir-faire partagés autour du cognac pour l’amour du beau et du bien fait ? Parlez en autour de vous, portez cette démarche, partagez cet article, soyez des ambassadeurs à l’instar des 4 nouveaux ambassadeurs intronisés lors de la récente cérémonie des voeux de l’association à Jonzac.
La candidature du cognac devrait contribuer par sa valeur multi-culturelle à inscrire ces savoir-faire dans la tradition d’ouverture internationale de la France en renforçant son image moderne et en confortant la reconnaissance mondiale de la haute qualité des savoir-faire français.
Jérôme Sourisseau